— Comment ! tu crois que c’est nous que l’on poursuit ?
— Et qui voulez-vous que ce soit ?
— Quelque chien échappé qui chasse pour son propre compte.
— Après tout, c’est encore possible, murmura Laïza ; écoutons.
Il y eut un instant de silence à la fin duquel un nouvel aboiement retentit dans la forêt, plus rapproché que les deux premiers.
— C’est nous qu’on poursuit, dit Laïza.
— Et à quoi le reconnais-tu ?
— Ce n’est point l’aboiement d’un chien qui chasse, dit Laïza, c’est le hurlement d’un chien qui cherche son maître. Les démons auront trouvé dans quelque case de nègre un chien à la chaîne, et ils l’auront pris pour guide ; si le nègre est avec nous, nous sommes perdus.
— C’est la voix de Fidèle, murmura Pierre Munier en tressaillant.
— Oui, oui, je la reconnais maintenant, dit Laïza. Je l’ai déjà entendue : c’est celle d’un chien qui a hurlé lorsque hier soir nous avons rapporté votre fils blessé à Moka.
— En effet, j’ai oublié de l’emmener quand nous sommes partis ; cependant, si c’était Fidèle, il me semble qu’il accourrait plus vite. — Écoute comme la voix se rapproche lentement.
— Ils le tiennent en laisse, ils le suivent, il mène un régiment tout entier peut-être derrière lui. — Il ne faut pas lui en vouloir à ce pauvre animal, ajouta en riant d’un rire sombre le nègre d’Anjouan, il ne peut pas aller plus vite ; mais, soyez tranquille, il arrivent,
— Eh bien ! que faut-il faire ? demanda Pierre Munier.
— Si vous aviez quelque vaisseau qui vous attendît à Grand-Port, comme nous n’en sommes qu’à huit ou dix lieues, je vous dirais que nous avons encore le temps d’y arriver ; mais vous n’avez de ce côté aucune chance de fuite, n’est-ce pas ?
— Aucune.
— Alors il faut se défendre, et, s’il est possible, ajouta le nègre d’une voix sombre, mourir en se défendant.