Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/30

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dant laquelle les Anglais s’avanceraient par quelque autre point sur le Port-Louis, il n’avait pris avec lui que huit cents hommes, laissant, comme nous l’avons dit, pour la défense de la ville, le reste de la garnison et les volontaires nationaux. Il en résultait qu’après des prodiges de courage, sa petite troupe, qui avait affaire à un corps de quatre mille Anglais et de deux mille Cipayes, avait été obligée de se replier successivement de position en position, tenant ferme à chaque accident de terrain qui lui rendait un instant l’avantage, mais bientôt forcée de reculer encore, de sorte que, de la Place-d’Armes où se trouvaient les réserves, on pouvait, quoiqu’on n’aperçût point les combattants, calculer les progrès que faisaient les Anglais, au bruit croissant de l’artillerie, qui de minute en minute se rapprochait ; bientôt même on entendit, entre le retentissement des puissantes volées, le pétillement de la mousqueterie ; mais, il faut le dire, ce bruit, au lieu d’intimider ceux des défenseurs du Port-Louis, qui, condamnés à l’inaction par l’ordre du général, stationnaient sur la Place-d’Armes, ne faisait que stimuler leur courage, si bien que, tandis que les soldats de ligne, esclaves de la discipline, se contentaient de se mordre les lèvres ou de sacrer entre leurs moustaches, les volontaires nationaux agitaient leurs armes, murmurant hautement et criant que si l’ordre de partir tardait longtemps encore, ils rompraient les rangs et s’en iraient combattre en tirailleurs.

En ce moment on entendit retentir la générale. En même temps un aide-de-camp accourut au grand galop de son cheval, et sans même entrer dans la place, levant son chapeau pour faire un signe d’appel, il cria du haut de la rue : « Aux retranchements, voilà l’ennemi ! » Puis il repartit aussi rapidement qu’il était venu.

Aussitôt le tambour de la troupe de ligne battit, et les soldats, prenant leurs rangs avec la prestesse et la précision de l’habitude, partirent au pas de charge.

Quelque rivalité qu’il y eût entre les volontaires et les troupes de ligne, les premiers ne purent partir d’un élan aussi rapide. Quelques instants se passèrent avant que les rangs ne fussent formés ; puis, comme les rangs formés, les uns partirent du pied droit, tandis que les autres partaient