Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/37

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de : France, France ! retentirent sur les derrières de l’ennemi. Une effroyable fusillade leur succéda, puis un silence plus sombre et plus terrible qu’aucun bruit suivit la fusillade.

Une étrange ondulation se promena sur les dernières lignes de l’ennemi et se fit sentir jusqu’aux premiers rangs ; les habits rouges se courbaient sous une vigoureuse charge à la baïonnette, comme des épis mûrs sous la faucille du moissonneur ; c’était à leur tour d’être enveloppés ; c’était à leur tour de faire face à la fois à droite, à gauche et en tête. Mais le renfort qui venait d’arriver ne leur donnait pas de relâche, il poussait toujours, de sorte qu’au bout de dix minutes il s’était, à travers une sanglante trouée, fait jour jusqu’au malencontreux bataillon et l’avait dégagé : alors, et voyant le but qu’ils s’étaient proposé rempli, les nouveaux arrivants s’étaient repliés sur eux-mêmes, avaient pivoté sur la gauche en décrivant un cercle, et étaient retombés au pas de charge sur le flanc de l’ennemi. De son côté, monsieur de Malmédie, calquant instinctivement la même manœuvre, avait donné une impulsion pareille à son bataillon, si bien que la batterie, se voyant démasquée, ne perdit pas de temps, et s’enflammant de nouveau, vint seconder les efforts de cette triple attaque en vomissant sur l’ennemi des flots de mitraille. De ce moment, la victoire fut décidée en faveur des Français.

Alors monsieur de Malmédie, se sentant hors de danger, jeta un coup d’œil sur ses libérateurs qu’il avait déjà entrevus, mais qu’il avait hésité à reconnaître, tant il lui en coûtait de devoir son salut à de tels hommes. C’était, en effet, ce corps de noirs tant méprisé par lui qui l’avait suivi dans sa marche et qui l’avait rejoint si à temps au combat, et à la tête de ce corps, c’était Pierre Munier, Pierre Munier, qui, voyant que les Anglais, en enveloppant monsieur de Malmédie, lui présentaient le dos, était venu avec ses trois cents hommes les prendre en queue et les culbuter ; c’était Pierre Munier qui, après avoir combiné cette manœuvre avec le génie d’un général, l’avait exécutée avec le courage d’un soldat, et qui, à cette heure, se retrouvant sur un terrain où il n’avait plus que la mort à craindre, se battait en avant de tous, redressant sa grande taille, l’œil allumé, les narines ouvertes, le front découvert, les cheveux au vent, enthousiaste, téméraire, sublime ! c’était