cieuses attentions que vous m’avez montrées tout le long de cette interminable traversée, et j’oserai presque dire de l’amitié que votre grâce a témoignée à un pauvre inconnu comme moi.
— Mon cher compagnon, répondit l’Anglais en tendant la main au jeune homme, j’espère que, pour vous comme pour moi, il n’y a d’inconnus dans ce monde que les gens vulgaires, les sots et les fripons, mais j’espère aussi que pour l’un comme pour l’autre tout homme supérieur est un parent que nous reconnaissons pour être de notre famille partout où nous le rencontrons. Ceci posé, trêve de compliment, mon jeune ami, prenez cette lunette et regardez, car nous avançons si rapidement qu’il n’y aura bientôt plus aucun mérite à accomplir la petite démonstration géographique dont je me suis chargé.
Le jeune homme prit la lunette et la porta à son œil.
— Voyez-vous ? dit l’Anglais.
— Parfaitement, dit le jeune homme.
— Voyez-vous à notre extrême droite, pareille à un cône et isolée au milieu de la mer, voyez-vous l’île Ronde ?
— À merveille.
— Voyez-vous, en vous rapprochant de nous, l’île Plate, au pied de laquelle passe dans ce moment un brick, qui m’a tout à fait l’air, à sa tournure, d’un brick de guerre ? Ce soir, nous serons où il est, et nous passerons où il passe.
Le jeune homme abaissa la lunette, et essaya de voir à l’œil nu les objets que son compagnon distinguait si facilement, et qu’il voyait à peine, lui, à l’aide du tube qu’il tenait à la main ; puis, avec un sourire d’étonnement :
— C’est miraculeux ! dit-il ; et il reporta la lunette à ses yeux.
— Voyez-vous le Coin de Mire, continua son compagnon, le Coin de Mire qui se confond presque d’ici avec le cap Malheureux, de si triste et si poétique mémoire ? Voyez-vous le piton du Bambou derrière lequel s’élève la montagne de la Faïence ? Voyez-vous la montagne du Grand-Port ? et là, voyez-vous à sa gauche le morne des Créoles ?
— Oui, oui, je vois tout cela, et je le reconnais, car tous ces pics, tous ces sommets sont familiers à mon enfance, et