III
L.·.P.·.D.·.
Il se fit un silence de quelques secondes, pendant lequel l’inconnu parut recueillir toutes ses pensées. Puis au bout d’un instant :
— Seigneurs, dit-il, vous pouvez déposer les épées qui fatiguent inutilement vos bras et me prêter une oreille attentive, car vous aurez beaucoup à apprendre dans le peu de paroles que je vais vous adresser.
L’attention redoubla.
— La source des grands fleuves est presque toujours divine, c’est pour cela qu’elle est inconnue ; comme le Nil, comme le Gange, comme l’Amazone, je sais où je vais, mais j’ignore d’où je viens ! Tout ce que je me rappelle, c’est que le jour où les yeux de mon âme s’ouvrirent à la perception des objets extérieurs, je me trouvais dans Médine la ville sainte, courant à travers les jardins du muphti Salaaym.
C’était un respectable vieillard que j’aimais comme mon père, et qui cependant n’était point mon père ; car, s’il me regardait avec tendresse il ne me parlait qu’avec respect ; trois fois par jour il s’écartait pour laisser arriver jusqu’à moi un autre vieillard dont je ne prononce le nom qu’avec une reconnaissance mêlée d’effroi ; ce vieillard respectable, auguste réceptacle de toutes les sciences humaines, instruit par les sept esprits supérieurs dans tout ce qu’apprennent les anges pour comprendre Dieu, s’appelle Althotas ; il fut mon gouverneur, il fut mon maître ; il est encore mon ami, ami vénérable, car il a deux fois l’âge du plus âgé d’entre vous.
Ce langage solennel, ces gestes majestueux, cet accent onctueux et sévère à la fois, produisirent sur l’assemblée une de