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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/295

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— Sire, dit le dauphin, je n’en veux pas à M. du Barry personnellement.

— Et à qui en voulez-vous donc ?

— À l’agresseur de madame la dauphine.

— Quel modèle des maris ! s’écria ironiquement le roi. Heureusement qu’on ne m’en fait pas facilement accroire. Je vois qui l’on attaque ici, et je vois surtout jusqu’où l’on veut me mener avec toutes ces exagérations.

— Sire, dit M. de Choiseul, ne croyez pas que l’on exagère ; véritablement le public est indigné de tant d’insolence.

— Le public ! Ah ! encore un monstre que vous vous faites ou plutôt que vous me faites. Le public ! est-ce que je l’écoute, moi, quand il me dit par les mille bouches des libellistes et de ses pamphlétaires, de ses chansonniers, de ses cabaleurs, que l’on me vole, que l’on me berne, que l’on me trahit ? Eh ! mon Dieu, non. Je le laisse dire et je ris. Faites comme moi, pardieu ! fermez l’oreille, et quand il sera las de crier, votre public, il ne criera plus… Allons, bon ! voilà que vous me faites votre salut de mécontent. Voilà Louis qui me fait sa grimace de boudeur. En vérité, c’est étrange qu’on ne puisse faire pour moi ce que l’on fait pour le dernier particulier, qu’on ne veuille pas me laisser vivre à ma guise, qu’on haïsse sans cesse ce que j’aime, qu’on aime éternellement ce que je hais. Suis-je sage ou suis-je fou ? Suis-je le maître ou ne le suis-je pas ?

Le dauphin prit son grattoir et revint à sa pendule.

M. de Choiseul s’inclina de la même façon que la première fois.

— Bon ! l’on ne me répond rien. Mais répondez-moi donc quelque chose, mordieu ! Vous voulez donc me faire mourir de chagrin, avec vos propos et avec vos silences, avec vos petites haines et vos petites craintes ?

— Je ne hais pas M. du Barry, sire, dit le dauphin en souriant.

— Et moi, sire, je ne le crains pas, dit avec hauteur M. de Choiseul.

— Tenez, vous êtes tous de mauvais esprits ! cria le roi