Un coup d’État, une lettre de cachet ! Oh ! la belle proposition que vous me faites là, monsieur le duc, la belle affaire dans laquelle vous m’entraînez !
— Mais, sire, qui respectera désormais madame la dauphine, si un exemple sévère n’est point fait sur la personne du premier qui l’a insultée ?…
— Sans doute, ajouta le dauphin, et ce serait un scandale, sire.
— Un exemple ! un scandale ! dit le roi. Oh ! pardieu ! faites donc un exemple pour chaque scandale qui se produit autour de nous, et je passerai ma vie à signer des lettres de cachet ; j’en signe déjà bien assez comme cela, Dieu merci !
— Il le faut, sire, dit M. de Choiseul.
— Sire, je supplie Votre Majesté…, dit, le dauphin.
— Comment ! vous ne le trouvez point assez puni déjà par le coup d’épée qu’il a reçu ?
— Non, sire, car il pouvait blesser M. de Taverney.
— Et dans ce cas-là, qu’eussiez-vous donc demandé, monsieur ?
— Je vous eusse demandé sa tête.
― Mais on n’a pas fait pis à M. de Montgommery pour avoir tué le roi Henri II, dit Louis XV.
— Il avait tué le roi par accident, sire, et M. Jean Dubarry a insulté la dauphine avec intention de l’insulter.
— Et vous, monsieur, dit Louis XV se retournant vers le dauphin, demandez-vous aussi la tête de Jean ?
— Non, sire, je ne suis point pour la peine de mort ; Votre Majesté le sait, ajouta doucement le dauphin. Ainsi, je me bornerai à vous demander l’exil.
Le roi tressaillit.
— L’exil pour une querelle d’auberge ! Louis, vous êtes sévère malgré vos idées philanthropiques. Il est vrai qu’avant d’être philanthrope vous êtes mathématicien, et qu’un mathématicien…
— Votre Majesté daignera-t-elle achever ?
— Et qu’un mathématicien sacrifierait l’univers à son chiffre.