le tenait agonisant entre ses bras. Il était assis sur le revers du fossé, tandis que M. de Richelieu essuyait tranquillement son épée.
— Monsieur, s’écria le baron, sur mon honneur ! vous me bouleversez. Cela s’est passé comme vous le dites.
— Vous avez entendu raconter la chose ? demanda tranquillement Balsamo.
— J’étais là, j’avais l’honneur d’assister comme témoin monsieur le maréchal, qui n’était pas maréchal alors; mais cela n’y fait rien.
— Attendez donc, fit Balsamo en regardant fixement le baron.
— Quoi ?
— Ne portiez-vous pas, à cette époque, l’uniforme de capitaine.
— Justement.
— Vous étiez au régiment des chevau-légers de la reine qui furent écharpés à Fontenoi ?
— Y étiez-vous aussi, à Fontenoi ? demanda le baron en essayant de goguenarder.
— Non, répondit tranquillement Balsamo, à Fontenoi j’étais mort.
Le baron ouvrit de grands yeux, Andrée tressaillit, Nicole fit le signe de la croix.
— Donc pour en revenir à ce que je vous disais, continua Balsamo, vous portiez l’uniforme des chevau-légers, je me le rappelle parfaitement à cette heure. Je vous ai vu en passant, vous teniez votre cheval et celui du maréchal, tandis que celui-ci se battait. Je m’approchai de vous et je vous demandai des détails ; vous me les donnâtes.
— Moi ?
— Eh ! oui, pardieu ! vous. Je vous reconnais maintenant, vous portiez le titre de chevalier alors. Et l’on ne vous appelait que le petit chevalier.
— Mordieu ! s’écria Taverney tout émerveillé.
— Excusez-moi de ne pas vous avoir remis d’abord. Mais trente ans changent un homme. Au maréchal de Richelieu, mon cher baron !