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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/281

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frappée de cette conviction que vous seule étiez assez généreuse pour m’accueillir, assez puissante pour me défendre.

— Vous en appelez toujours à ma puissance, mon enfant ; il est donc bien puissant, lui ?

— Oh ! oui.

— Mais, qui est-il, voyons ? Par délicatesse, j’ai jusqu’à présent tardé à vous le demander ; cependant, si je dois vous défendre, faut-il encore que je sache contre qui.

— Oh ! Madame, voilà encore en quoi il m’est impossible de vous éclairer. J’ignore complétement qui il est et ce qu’il est : tout ce que je sais, c’est qu’un roi n’inspire pas plus de respect, un dieu plus d’adorations que n’en ont pour lui les gens auxquels il daigne se révéler.

— Mais son nom, comment s’appelle-t-il ?

— Madame, je l’ai entendu appeler de bien des noms différents. Cependant, deux seulement me sont restés dans la mémoire : l’un est celui que lui donne ce vieillard dont je vous ai déjà parlé, et qui fut notre compagnon de voyage depuis Milan jusqu’à l’heure où je l’ai quitté ; l’autre est celui qu’il se donnait lui-même.

— Quel était le nom dont l’appelait le vieillard ?

— Acharat… N’est-ce pas un nom antichrétien, dites, Madame ?…

— Et celui qu’il se donnait à lui-même ?

— Joseph Balsamo.

— Et lui ?

— Lui !… connaît tout le monde, devine tout le monde ; il est contemporain de tous les temps ; il vécut dans tous les âges ; il parle… oh ! mon Dieu ! pardonnez-lui de pareils blasphèmes ! d’Alexandre, de César, de Charlemagne, comme s’il les avait connus, et cependant je crois que tous ces hommes-là sont morts depuis bien longtemps ; mais encore de Caïphe, de Pilate, de Notre-Seigneur Jésus-Christ, enfin, comme s’il eût assisté à son martyre.

— C’est quelque charlatan alors, dit la princesse.

— Madame, je ne sais peut-être point parfaitement ce que veut dire en France le nom que vous venez de prononcer,