Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/30

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pressa-t-elle les postillons de telle façon, qu’elle passa à la Chaussée une heure avant la dauphine, et qu’elle arriva à la barrière Saint-Denis cinq ou six heures à peine après mademoiselle du Barry.

Comme la voyageuse avait fort peu de bagage, et que le plus pressant pour elle était d’aller aux informations, madame de Béarn fit arrêter sa chaise rue du Petit-Lion, à la porte de maître Flageot.

Ce ne fut pas, on le pense bien, sans qu’un bon nombre de curieux, et les Parisiens le sont tous, ne s’arrêtât devant ce vénérable coche qui semblait sortir des écuries de Henri IV, dont il rappelait le véhicule favori par sa solidité, sa monumentale architecture et ses rideaux de cuir recroquevillés, courant avec des grincements affreux sur une tringle de cuivre verdâtre.

La rue du Petit-Lion n’est pas large. Madame de Béarn l’obstrua majestueusement, et ayant payé les postillons, leur ordonna de conduire la voiture à l’auberge où elle avait l’habitude de descendre, c’est-à-dire au Coq chantant, rue Saint-Germain-des-Prés.

Elle monta, se tenant à la corde graisseuse, l’escalier noir de monsieur Flageot ; il y régnait une fraîcheur qui ne déplut point à la vieille, fatiguée par la rapidité et l’ardeur de la route.

Maître Flageot, lorsque sa servante Marguerite annonça madame la comtesse de Béarn, releva son haut-de-chausses, qu’il avait laissé tomber fort bas à cause de la chaleur, enfonça sur sa tête une perruque qu’on avait toujours soin de tenir à sa portée, et endossa une robe de chambre de basin à côtes.

Ainsi paré, il s’avança souriant vers la porte. Mais dans ce sourire perçait une nuance d’étonnement si prononcée, que la comtesse se crut obligée de lui dire :

— Eh bien ! quoi ! mon cher monsieur Flageot, c’est moi.

— Oui da, répondit M. Flageot, je le vois bien, madame la comtesse.

Alors, fermant pudiquement sa robe de chambre, l’avocat conduisit la comtesse à un fauteuil de cuir, dans le coin le