— Et j’en remercie Votre Excellence, si habile en ces matières.
— Votre affaire vient bientôt, je crois ?
— Elle est appelée la semaine prochaine, monseigneur.
— Maintenant, que désirez-vous ?
— Que Votre Excellence prenne connaissance des pièces.
— C’est fait.
— Eh bien ! demanda en tremblant la vieille comtesse, qu’en pensez-vous, monseigneur ?
— De votre affaire ?
— Oui.
— Je dis qu’il n’y a pas un seul doute à avoir.
— Comment ? sur le gain ?
— Non, sur la perte.
— Monseigneur dit que je perdrai ma cause ?
— Indubitablement. Je vous donnerai donc un conseil.
— Lequel ? demanda la comtesse avec un dernier espoir.
— C’est, si vous avez quelque paiement à faire, le procès jugé, l’arrêt rendu…
— Eh bien ?
— Eh bien ! c’est de tenir vos fonds prêts.
— Mais, monseigneur, nous sommes ruinés alors.
— Dame ! vous comprenez, madame la comtesse, que la justice ne peut entrer dans ces sortes de considérations.
— Cependant, monseigneur, à côté de la justice il y a la pitié.
— C’est justement pour cette raison, madame la comtesse, qu’on a fait la justice aveugle.
— Mais cependant, Votre Excellence ne me refusera point un conseil.
— Dame ! demandez. De quel genre le voulez-vous ?
— N’y a-t-il aucun moyen d’entrer en arrangement, d’obtenir un arrêt plus doux ?
— Vous ne connaissez aucun de vos juges ? demanda le vice-chancelier.
— Aucun, monseigneur.
— C’est fâcheux ! messieurs de Saluces sont liés avec les trois quarts du parlement, eux !