Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

immense clameur des cent mille spectateurs répandus dans les jardins, un mugissement lugubre et infini courant dans les galeries et dans les corridors du château, composèrent en ce moment la plus sauvage et la plus lugubre harmonie qui ait jamais vibré aux oreilles humaines.

Puis un cliquetis sinistre succéda au mugissement ; c’étaient les vitres qui, brisées en mille pièces, tombaient sur les marbres des escaliers et des corniches, en lançant cette note saccadée et nerveuse qui grince en s’envolant dans l’espace.

Le vent avait du même coup arraché du pêne une des persiennes mal fermées qui avait été battre contre la muraille, comme l’aile gigantesque d’un oiseau de nuit.

Partout où les fenêtres étaient ouvertes dans le château les lumières s’éteignirent, anéanties par ce coup de vent.

Le dauphin s’approcha de la fenêtre, sans doute pour refermer la persienne, mais la dauphine l’arrêta.

— Oh ! monsieur, monsieur, par grâce, dit-elle, n’ouvrez pas cette fenêtre, nos bougies s’éteindraient et je mourrais de peur.

Le dauphin s’arrêta.

On voyait, à travers le rideau qu’il venait de tirer, les cimes sombres des arbres du parc agitées et tordues, comme si le bras de quelque géant invisible eut secoué leurs tiges au milieu des ténèbres.

Toutes les illuminations s’éteignirent.

Alors on put voir au ciel des légions de grosses nuées noires qui roulaient en tourbillonnant, ainsi que des escadrons lancés à la charge.

Le dauphin resta pâle et debout, une main appuyée à l’espagnolette de la fenêtre. La dauphine tomba sur une chaise en posant un soupir.

— Vous avez bien peur, madame ? demanda le dauphin.

— Oh ! oui ; cependant votre présence me rassure. Oh ! quelle tempête ! quelle tempête ! Toutes les illuminations se sont éteintes ?

— Oui, dit Louis, le vent souffle sud-sud-ouest, et c’est