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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/127

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En ce moment, un éclair blafard inonda la chambre de ses lueurs livides et violacées, Marie-Antoinette poussa un cri et repoussa le dauphin.

— Mais, madame, demanda-t-il, qu’y a-t-il donc ?

— Oh ! dit-elle, vous m’avez apparu, à la lueur de cet éclair, pâle, défait, sanglant. J’ai cru voir un fantôme.

— C’est la réflexion du feu de soufre, dit le prince, et je puis vous expliquer…

Un effroyable coup de tonnerre, dont les échos se prolongèrent en gémissant jusqu’à ce que, arrivés au point culminant, ils commençassent à se perdre dans le lointain, un effroyable coup de tonnerre coupa court à l’explication scientifique que le jeune homme allait donner flegmatiquement à sa royale épouse.

— Allons, madame, dit-il après un moment de silence, du courage, je vous prie ; laissons ces craintes au vulgaire : l’agitation physique est une des conditions de la nature. Il ne faut pas plus s’en étonner que du calme ; seulement le calme et l’agitation se succèdent ; le calme est troublé par l’agitation, l’agitation est refroidie par le calme. Après tout, madame, ce n’est qu’un orage, et un orage est un des phénomènes les plus naturels et les plus fréquents de la création. Je ne sais donc pas pourquoi on s’en épouvanterait.

— Oh ! isolé, peut-être ne m’épouvanterait-il pas ainsi ; mais cet orage, le jour même de nos noces, ne vous semble-t-il pas un effroyable présage joint à ceux qui me poursuivent depuis mon entrée en France ?

— Que dites-vous, madame ? s’écria le dauphin, ému malgré lui d’une terreur superstitieuse ; des présages, dites-vous ?

— Oui, oui, affreux, sanglants !

— Et ces présages, dites-les, madame ; on m’accorde, en général, un esprit ferme et froid ; peut-être ces présages qui vous épouvantent, aurai-je le bonheur de les combattre et de les terrasser.

— Monsieur, la première nuit que je passai en France, c’était à Strasbourg ; on m’installa dans une grande chambre, où l’on alluma des flambeaux, car il faisait nuit ; or, ces flambeaux