Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/138

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— Prenez garde, mon frère, vous allez vous faire tuer ; entendez-vous les hennissements des chevaux qui se battent ?

— Vous pouvez bien dire des rugissements, reprit le baron. Voyons, nous allons descendre, dites qu’on se dérange, Philippe, et que nous passions.

— Ah ! vous ne connaissez plus Paris, mon père, dit Philippe, ces façons de maîtres étaient bonnes autrefois ; mais aujourd’hui peut-être bien pourraient-elles ne point réussir, et vous ne voudriez point compromettre votre dignité, n’est-ce pas ?

— Cependant quand ces drôles sauront qui je suis…

— Mon père, dit en souriant Philippe, quand vous seriez le dauphin lui-même, on ne se dérangerait pas pour vous, j’en ai bien peur, en ce moment surtout, car voilà le feu d’artifice qui va commencer.

— Alors nous ne verrons rien, dit Andrée avec humeur.

— C’est votre faute, pardieu ! répondit le baron, vous avez mis plus de deux heures à votre toilette.

— Mon frère, dit Andrée, ne pourrais-je prendre votre bras et me placer avec vous au milieu de tout le monde ?

— Oui, oui, ma petite dame, dirent plusieurs voix d’hommes touchés par la beauté d’Andrée ; oui, venez, vous n’êtes pas grosse et l’on vous fera une place.

— Voulez-vous, Andrée ? demanda Philippe.

— Je veux bien, dit Andrée.

Et elle s’élança légèrement sans toucher le marchepied de la voiture.

— Soit, dit le baron ; mais moi, qui me moque des feux d’artifice, moi je reste ici.

— Bien, restez, dit Philippe, nous ne nous éloignons pas, mon père.

En effet, la foule toujours respectueuse quand aucune passion ne l’irrite, toujours respectueuse devant cette reine suprême qu’on appelle la beauté, la foule s’ouvrit devant Andrée et son frère, et un bon bourgeois, possesseur avec sa famille d’un banc de pierre, fit écarter sa femme et sa fille pour qu’Andrée trouvât une place entre elles.