Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/16

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— Aurai-je des arbres ? demanda Andrée.

— Oui, et de fort beaux. Seulement, selon toute probabilité, vous n’en jouirez pas longtemps ; car, aussitôt le mariage fait, vous serez présentée.

— Allons, nous faisons un beau rêve : tâchons de ne pas nous réveiller trop tôt. Philippe, as-tu donné l’adresse au cocher ?

Gilbert écouta avec anxiété.

— Oui, mon père, dit Philippe.

Gilbert, qui avait tout entendu, avait eu un instant l’espoir d’entendre l’adresse.

— N’importe, dit-il, je les suivrai. Il n’y a qu’une lieue d’ici à Paris.

Le trait était rattaché, le cocher remonté sur son siège, le carrosse se mit à rouler.

Mais les chevaux du roi vont vite, quand la file ne les force point à aller doucement, si vite qu’ils rappelèrent au pauvre Gilbert la route de La Chaussée, son évanouissement, son impuissance.

Il fit un effort, atteignit le marchepied de derrière, laissé vacant par le laquais. Fatigué, Gilbert s’y cramponna, s’y assit et roula.

Mais presque aussitôt la pensée lui vint qu’il était monté derrière la voiture d’Andrée, c’est-à-dire à la place d’un laquais.

— Eh bien, non ! murmura l’inflexible jeune homme, il ne sera pas dit que je n’ai point lutté jusqu’au dernier moment ; mes jambes sont fatiguées, mais mes bras ne le sont point.

Et, saisissant de ses deux mains le marchepied sur lequel il avait posé la pointe de ses souliers, il se fit traîner au-dessous du siège, et malgré les cahots, les secousses, il se maintint par la vigueur de ses bras dans cette position difficile, plutôt que de capituler avec sa conscience.

— Je saurai son adresse, murmura-t-il, je la saurai. Encore une mauvaise nuit à passer ; mais demain je me reposerai sur mon siège, en copiant de la musique. Il me reste de