Aller au contenu

Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ce que c’est ; le soleil de la couronne les pompe, le soleil les fait refleurir ; c’est le grand va-et-vient de la nature. Je me suis ruiné, c’est bien : je redeviendrai riche, voilà tout. Le roi n’a-t-il plus d’argent à offrir à ses serviteurs ? et croyez-vous que je rougirai d’un régiment qu’on donnera au fils aîné de ma race ; d’une dot qu’on vous donnera, Andrée ; d’un apanage qu’on me rendra à moi, ou d’un beau contrat de rentes que je trouverai sous ma serviette, en dînant au petit couvert ?… Non, non, les sots ont des préjugés. Je n’en ai pas… D’ailleurs, c’est mon bien, je le reprends : ne vous faites donc pas de scrupules. Il reste un dernier point à débattre, votre éducation, dont vous parliez tout à l’heure. Mais, mademoiselle, souvenez-vous que nulle fille de cour n’est élevée comme vous ; il y a plus : vous avez, à côté de l’éducation des jeunes filles de noblesse, l’instruction solide des filles de robe ou de finance ; vous êtes musicienne, vous dessinez des paysages avec des moutons et des vaches, que Berghem ne renierait pas ; or, madame la dauphine raffole des moutons, des vaches et de Berghem. Il y a de la beauté chez vous, le roi ne manquera pas de s’en apercevoir. Il y a de la conversation, ce sera pour M. le comte d’Artois ou M. de Provence. Vous serez donc non seulement bien vue…, mais adorée. Oui, oui, fit le baron en riant et en se frottant les mains avec une accentuation de rire si étrange, que Philippe regarda son père, ne croyant pas que ce rire partît d’une bouche humaine. — Adorée ! j’ai dit le mot.

Andrée baissa les yeux, et Philippe, lui prenant la main :

— M. le baron a raison, dit-il, vous êtes bien tout ce qu’il dit, Andrée, et nulle ne sera plus digne que vous d’entrer à Versailles.

— Mais je serai séparée de vous, répliqua Andrée.

— Pas du tout, pas du tout, interrompit le baron ; Versailles est grand, ma chère.

— Oui, mais Trianon est petit, riposta Andrée, fière et peu maniable lorsqu’on s’obstinait avec elle.

— Trianon sera toujours assez grand pour fournir une chambre à M. de Taverney ; un homme comme moi se loge