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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/210

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regardait par la fenêtre du pavillon avec l’idée de se précipiter.

— Bonjour, mon petit philosophe, dit l’autre dame à Gilbert anéanti, en lui caressant la joue d’un petit soufflet de ses trois doigts rosés.

Rousseau vit et entendit ; il faillit étrangler de colère : son élève connaissait les deux déesses et était connu d’elles.

Gilbert faillit se trouver mal.

— Ne reconnaissez-vous donc pas madame la comtesse ? dit Jussieu à Rousseau.

— Non, fit celui-ci hébété ; c’est la première fois, il me semble…

— Madame du Barry, poursuivit Jussieu.

Rousseau bondit comme s’il eût marché sur une plaque rougie.

— Madame du Barry ! s’écria-t-il.

— Moi-même, monsieur, dit la jeune femme avec toute sa grâce… moi, qui suis bien heureuse d’avoir reçu chez moi et vu de près un des plus illustres penseurs de ce temps.

— Madame du Barry ! répéta Rousseau, sans s’apercevoir que son étonnement devenait une grave offense… Elle ! et sans doute que ce pavillon est à elle, sans doute que c’est elle qui me donne à déjeuner.

— Vous avez deviné, mon cher philosophe, c’est elle et madame sa sœur, continua Jussieu, mal à l’aise devant ces éléments de tempête.

— Sa sœur, qui connaît Gilbert ?

— Intimement, monsieur, répondit mademoiselle Chon avec cette audace qui ne respectait ni humeurs royales, ni boutades de philosophes.

Gilbert chercha des yeux un trou assez grand pour s’y abîmer tout entier, tant brillait redoutablement l’œil de M. Rousseau.

— Intimement !… répéta ce dernier ; Gilbert connaissait intimement madame, et je n’en savais rien ? mais alors j’étais trahi, mais alors on se jouait de moi !

Chon et sa sœur se regardèrent en ricanant.