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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/220

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— Quand la haute trahison réussit, comtesse, c’est du génie, ce me semble, et du meilleur.

— Mais à ce compte, duc, je connais quelqu’un qui est aussi habile que M. de Choiseul.

— Bah !

— À l’endroit des parlements du moins.

— C’est la principale affaire.

— Car ce quelqu’un est cause de la révolte des parlements.

— Vous m’intriguez, comtesse.

— Vous ne le connaissez pas, duc ?

— Non, ma foi.

— Il est pourtant de votre famille.

— J’aurais un homme de génie dans ma famille ? Voudriez-vous parler du cardinal-duc, mon oncle, madame ?

— Non ; je veux parler du duc d’Aiguillon, votre neveu.

— Ah ! M. d’Aiguillon, c’est vrai, lui qui a donné le branle à l’affaire La Chalotais. Ma foi, c’est un joli garçon, oui, oui, en vérité. Il a fait là une rude besogne. Tenez, comtesse, voilà, sur mon honneur, un homme qu’une femme d’esprit devrait s’attacher.

— Comprenez-vous, duc, fit la comtesse, que je ne connaisse pas votre neveu ?

— En vérité, madame, vous ne le connaissez pas ?

— Non, jamais je ne l’ai vu.

— Pauvre garçon ! en effet, depuis votre avènement, il a toujours vécu, au fond de la Bretagne. Gare à lui, quand il vous verra, il n’est plus habitué au soleil.

— Comment fait-il, au milieu de toutes ces robes noires ? un homme d’esprit et de race comme lui ?

— Il les révolutionne, ne pouvant faire mieux. Vous comprenez, comtesse, chacun prend son plaisir où il le trouve, et il n’y a pas grand plaisir en Bretagne. Ah ! voilà un homme actif ; peste ! quel serviteur le roi aurait là, s’il voulait. Ce n’est pas avec lui que les parlements garderaient leur insolence… Ah ! il est vraiment Richelieu, comtesse : aussi, permettez…

— Quoi ?