Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/232

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— Eh ! oui. Mon ambition cachée est d’être populaire comme M. de La Chalotais ou M. de Voltaire. La Bastille me manque pour cela ; un peu de Bastille, et je suis la plus heureuse des femmes. Ce sera une occasion pour moi d’écrire des mémoires sur moi, sur vos ministres, sur vos filles, sur vous-même, et de transmettre ainsi toutes les vertus de Louis le Bien-Aimé à la postérité la plus reculée. Fournissez la lettre de cachet, sire. Tenez, moi je fournis la plume et l’encre.

Et elle poussa vers le roi une plume et un encrier qui se trouvaient sur le guéridon.

Le roi ainsi bravé, réfléchit un moment, et, se levant :

— C’est bien. Adieu, madame, dit-il.

— Mes chevaux ! s’écria la comtesse. Adieu, sire.

Le roi fit un pas vers la porte.

— Chon ! dit la comtesse.

Chon parut.

— Mes malles, mon service de voyage et la poste ; allons, allons, dit-elle.

— La poste ! fit Chon atterrée, qu’y a-t-il donc, bon Dieu ?

— Il y a, ma chère, que si nous ne partons au plus vite, Sa Majesté va nous envoyer à la Bastille. Il n’y a donc pas de temps à perdre. Dépêche, Chon, dépêche.

Ce reproche frappa Louis XV au cœur ; il revint à la comtesse et lui prit la main.

— Pardon, comtesse, de ma vivacité, dit-il.

— En vérité, sire, je suis étonnée que vous ne m’ayez pas aussi menacée de la potence.

— Oh ! comtesse !

— Sans doute. Est-ce qu’on ne pend pas les voleurs ?

— Eh bien ?

— Est-ce que je ne vole pas la place de madame de Grammont ?

— Comtesse !

— Dame ! c’est mon crime, sire.

— Écoutez, comtesse, soyez juste : vous m’avez exaspéré.

— Et maintenant ?

Le roi lui tendit les mains.