Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/234

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— Merci de votre clémence, sire ; je partirai sans être inquiétée, à ce qu’il paraît.

— Comtesse, vous êtes femme.

— Heureusement.

— Et vous raisonnez politique en véritable femme mutine et colère. Je n’ai pas de raison pour congédier M. de Choiseul.

— Je comprends, l’idole de vos parlements, celui qui les soutient dans leur révolte.

— Enfin, il faut un prétexte.

— Le prétexte est la raison du faible.

— Comtesse, c’est un honnête homme que M. de Choiseul, et les honnêtes gens sont rares.

— C’est un honnête homme qui vous vend aux robes noires, lesquelles vous mangent tout l’or de votre royaume.

— Pas d’exagération, comtesse.

— La moitié alors.

— Mon Dieu ! s’écria Louis XV dépité.

— Mais, au fait, s’écria de son côté la comtesse, je suis bien sotte ; que m’importent à moi les parlements, les Choiseul, son gouvernement ; que m’importe le roi même, à moi, son pis-aller !

— Encore.

— Toujours, sire.

— Voyons, comtesse, deux heures de réflexion.

— Dix minutes, sire. Je passe dans ma chambre, glissez-moi votre réponse sous la porte : le papier est là, la plume est là, l’encrier est là. Si dans dix minutes vous n’avez pas répondu ou n’avez pas répondu à ma guise, adieu, sire ! Ne songez plus à moi, je serai partie. Sinon…

— Sinon ?

— Tournez la bobinette et la chevillette cherra.

Louis XV, pour se donner une contenance, baisa la main de la comtesse, qui, en se retirant, lui lança, comme le Parthe, son sourire le plus provoquant.

Le roi ne s’opposa aucunement à cette retraite, et la comtesse s’enferma dans la chambre voisine.