Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

À son passage, il se fit un grand mouvement de gens qui se retournaient pour avoir l’air de causer entre eux et ne pas saluer le ministre.

Le duc ne fit pas attention à ce manège ; il entra dans le cabinet, où le roi feuilletait un dossier en prenant son chocolat.

— Bonjour, duc, lui dit le roi amicalement ; sommes-nous bien dispos, ce matin ?

— Sire, M. de Choiseul se porte bien, mais le ministre est fort malade, et vient prier Votre Majesté, puisqu’elle ne lui parle encore de rien, d’agréer sa démission. Je remercie le roi de m’avoir permis cette initiative ; c’est une dernière faveur dont je lui suis bien reconnaissant.

— Comment, duc, votre démission ? qu’est-ce que cela veut dire ?

— Sire, Votre Majesté a signé hier, entre les mains de madame du Barry, un ordre qui me destitue ; cette nouvelle court déjà tout Paris et tout Versailles. Le mal est fait. Cependant, je n’ai pas voulu quitter le service de Votre Majesté sans en avoir reçu l’ordre avec la permission. Car, nommé officiellement, je ne puis me regarder comme destitué que par un acte officiel.

— Comment, duc, s’écria le roi en riant, car l’attitude sévère et digne de M. de Choiseul lui imposait jusqu’à la crainte ; comment, vous, un homme d’esprit et un formaliste, vous avez cru cela ?

— Mais, sire, dit le ministre surpris, vous avez signé…

— Quoi donc ?

— Une lettre que possède madame du Barry.

— Ah ! duc, n’avez-vous jamais eu besoin de la paix ? Vous êtes bien heureux !… Le fait est que madame de Choiseul est un modèle.

Le duc, offensé de la comparaison, fronça le sourcil.

— Votre Majesté, dit-il, est d’un caractère trop ferme et d’un caractère trop heureux pour mêler aux affaires d’État ce que vous daignez appeler les affaires de ménage.