Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/247

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la princesse sans remarquer la rougeur qui couvrit les joues de son aïeul, et sans remarquer qu’elle se présageait à elle-même une lugubre vérité.

— Alors, vous bouleverserez ; mais qu’édifierez-vous ?

— Je conserve.

— Ah ! c’est encore heureux que dans ces bois et dans ces rivières vous ne fassiez pas loger vos gens comme des Hurons, des Esquimaux ou des Groenlandais. Ils auraient là une vie naturelle, et M. Rousseau les appellerait les enfants de la nature… Faites cela, ma fille, et vous serez adorée des encyclopédistes.

— Sire, mes serviteurs auraient trop froid dans ces habitations-là.

— Où les logez-vous donc, si vous détruisez tout ? Ce ne sera pas dans le palais ; à peine y a-t-il place pour vous deux.

— Sire, je garde les communs tels qu’ils sont.

Et la dauphine indiqua les fenêtres de ce corridor que nous avons décrit.

— Qui est-ce que j’y vois ? dit le roi en se mettant une main sur les yeux, en guise de garde-vue.

— Une femme, sire, dit M. de Choiseul.

— Une demoiselle que je prends chez moi, répliqua la dauphine.

— Mademoiselle de Taverney, fit Choiseul avec sa vue perçante.

— Ah ! dit le roi ; tiens, vous avez ici les Taverney ?

— Mademoiselle de Taverney seulement, sire.

— Charmante fille. Vous en faites ?…

— Ma lectrice.

— Très bien, dit le roi sans quitter de l’œil la fenêtre grillée par laquelle regardait, fort innocemment et sans se douter qu’on l’observait, mademoiselle de Taverney, pâle encore de sa maladie.

— Comme elle est pâle ! dit M. de Choiseul.

— Elle a failli être étouffée le 31 mai, monsieur le duc.

— Vrai ? Pauvre fille ! dit le roi. Ce M. Bignon méritait sa disgrâce.