— Avez-vous bien lu, comtesse ? demanda le maréchal.
— Mais… je sais lire, duc, répondit madame du Barry.
— Je n’en doute pas, madame ; voulez-vous me permettre de lire aussi ?
— Oh ! certainement ; lisez.
Le duc prit le papier, le développa lentement et lut :
« Demain, je remercierai M. de Choiseul de ses services. Je m’y engage positivement.
Louis. »
— Est-ce clair ? dit la comtesse.
— Parfaitement clair, répliqua le maréchal en faisant la grimace.
— Eh bien, quoi ? dit Jean.
— Eh bien, c’est demain que nous aurons la victoire, rien n’est encore perdu.
— Comment, demain ? mais le roi m’a signé cela hier. Or, demain c’est aujourd’hui.
— Pardon, madame, dit le duc ; comme il n’y a pas de date, demain sera toujours le jour qui suivra celui où vous voudrez voir M. de Choiseul à bas. Il y a, rue de la Grange-Batelière, à cent pas de chez moi, un cabaret dont l’enseigne porte ces mots en lettres rouges : « Ici, on fait crédit demain. » Demain, c’est jamais.
— Le roi s’est moqué de nous, dit Jean furieux.
— C’est impossible, murmura la comtesse atterrée ; impossible ; une pareille supercherie est indigne…
— Ah ! madame, Sa Majesté est fort joviale, dit Richelieu.
— Il me le paiera, duc, continua la comtesse avec un accent de colère.
— Après cela, comtesse, il ne faut pas en vouloir au roi, il ne faut pas accuser Sa Majesté de dol ou de fourberie ; non, le roi a tenu ce qu’il avait promis.
— Allons donc ! fit Jean avec un tour d’épaules plus que peuple.
— Qu’a-t-il promis ? cria la comtesse : de remercier le Choiseul ?