Aller au contenu

Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Jean et le maréchal de Richelieu, après s’être longtemps regardés avec humeur, avaient pris leur essor les premiers.

Les autres étaient les favoris ordinaires qu’une disgrâce certaine des Choiseul avait affriandés, que le retour en faveur avait épouvantés, et qui, ne trouvant plus le ministre sous leur main pour s’accrocher à lui, revenaient machinalement à Luciennes pour voir si l’arbre était assez solide pour que l’on s’y cramponnât comme par le passé.

Madame du Barry, après les fatigues de sa diplomatie et le triomphe trompeur qui l’avait couronnée, faisait la sieste lorsque le carrosse de Richelieu entra chez elle avec le bruit et la célérité d’un ouragan.

— Maîtresse du Barry dort, dit Zamore sans se déranger.

Jean fit rouler Zamore sur le tapis, d’un grand coup de pied qu’il appliqua sur les broderies les plus larges de son habit de gouverneur.

Zamore poussa des cris perçants.

Chon accourut.

— Vous battez encore ce petit, vilain brutal ! dit-elle.

— Et je vous extermine vous-même, poursuivit Jean avec des yeux qui flamboyaient, si vous ne réveillez pas la comtesse tout de suite.

Mais il n’était pas besoin de réveiller la comtesse : aux cris de Zamore, au grondement de la voix de Jean, elle avait senti un malheur et accourait enveloppée dans un peignoir.

— Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle, effrayée de voir que Jean s’était vautré tout du long sur un sofa pour calmer les agitations de sa bile, et que le maréchal ne lui avait pas même baisé la main.

— Il y a, il y a, dit Jean, parbleu ! il y a toujours le Choiseul.

— Comment ?

— Oui, plus que jamais, mille tonnerres !

— Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— Monsieur le comte du Barry a raison, continua Richelieu ; il y a plus que jamais M. le duc de Choiseul.

La comtesse tira de son sein la petite lettre du roi.

— Et ceci ? dit-elle en souriant.