Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/300

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n’avait été le passé.

Ce n’était pas que le peuple eût des antipathies ou des sympathies bien marquées. Il n’aimait pas les parlements, parce que les parlements, ses protecteurs naturels, l’avaient toujours abandonné pour des questions oiseuses de préséance ou d’intérêt égoïste ; parce que, mal éclairés par le faux reflet de l’omnipotence royale, ces parlements s’étaient imaginés être quelque chose comme une aristocratie entre la noblesse et le peuple.

Il n’aimait pas la noblesse par instinct et par souvenir. Il craignait l’épée autant qu’il haïssait l’Église. Rien ne pouvait le toucher dans le renvoi de M. de Choiseul, mais il entendait les plaintes de la noblesse, du clergé, du parlement, et ce bruit, ajouté à ses murmures, faisait un fracas qui l’enivrait.

La déviation de ce sentiment fut du regret et une quasi-popularité acquise au nom de M. de Choiseul.

Tout Paris, le mot peut ici se justifier par une preuve, accompagna jusqu’aux portes l’exilé partant pour Chanteloup.

Le peuple faisait la haie sur le passage des carrosses ; les parlementaires et les gens de cour, qui n’avaient pu être reçus par le duc, embossèrent leurs équipages devant la haie du peuple pour le saluer au passage et recueillir son adieu.

Le plus épais de la bagarre fut à la barrière d’Enfer, qui est la route de Touraine. Il y eut là une telle affluence de gens de pied, de cavaliers et de carrosses, que la circulation en fut interrompue pendant plusieurs heures.

Lorsque le duc réussit à franchir la barrière, il se trouva escorté par plus de cent carrosses qui faisaient comme une auréole au sien.

Les acclamations et les soupirs le suivaient encore. Il eut trop d’esprit et de connaissance de la situation pour ne pas comprendre que