Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tout ce bruit était moins du regret de sa personne que de l’appréhension pour les inconnus qui surgiraient de ses ruines.

Une chaise de poste arrivait au galop sur la route encombrée, et, sans un violent effort du postillon, les chevaux, blancs de poussière et d’écume, allaient se précipiter dans l’attelage de M. de Choiseul.

Une tête se pencha hors de cette chaise, comme aussi M. de Choiseul se pencha hors de son carrosse.

M. d’Aiguillon salua profondément le ministre déchu, dont il venait briguer l’héritage. M. de Choiseul se rejeta dans la voiture : une seule seconde venait d’empoisonner les lauriers de sa défaite.

Mais au même moment, comme compensation sans doute, une voiture aux armes de France, qui passait conduite à huit chevaux, sur l’embranchement de la route de Sèvres à Saint-Cloud, et qui, soit hasard, soit effet de l’encombrement, ne traversait pas la grande route, cette voiture royale croisa aussi le carrosse de M. de Choiseul.

La dauphine était sur le siège du fond avec sa dame d’honneur, madame de Noailles.

Sur le devant était mademoiselle Andrée de Taverney.

M. de Choiseul, rouge de plaisir et de gloire, se pencha hors de la portière, en saluant profondément.

— Adieu, madame, dit-il d’une voix entrecoupée.

— Au revoir, monsieur de Choiseul, répondit la dauphine avec un sourire impérial et le dédain majestueux de toute étiquette.

— Vive M. de Choiseul ! cria une voix enthousiaste après ces paroles de la dauphine.

Mademoiselle Andrée se retourna vivement au son de cette voix.

— Gare ! gare ! crièrent les écuyers de la princesse, en forçant Gilbert, tout pâle et tout avide de voir, à se ranger le long des fossés de la route.

C’était en effet notre héros qui, dans un enthousiasme philosophique, avait crié : « Vive M. de Choiseul ! »