Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/48

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— Vous avez surpris des signes, des paroles ? s’écria Balsamo en pâlissant.

— Oui, oui, dit Lorenza, je les ai surpris, je les sais, je les connais.

— Mais vous ne les direz jamais ? Vous ne les redirez à âme qui vive, vous les enfermerez au plus profond de votre souvenir, afin qu’ils y meurent étouffés.

— Oh ! tout au contraire ! s’écria Lorenza, heureuse, comme on l’est dans la colère, de trouver enfin l’endroit vulnérable de son antagoniste. Je les garderai pieusement dans ma mémoire, ces mots, je les redirai tout bas tant que je serai seule, et tout haut à la première occasion ; je les ai déjà dits.

— Et à qui ? demanda Balsamo.

— À la princesse.

— Eh bien ! Lorenza, écoutez bien ceci, dit Balsamo, en enfonçant ses doigts dans sa chair pour en éteindre l’effervescence et pour refouler son sang révolté, si vous les avez dits, vous ne les redirez plus ; vous ne les redirez plus, parce que je tiendrai les portes closes, parce que j’aiguiserai les pointes de ces barreaux, parce que j’élèverai, s’il le faut, les murs de cette cour aussi haut que ceux de Babel.

— Je vous l’ai dit, Balsamo, s’écria Lorenza, on sort de toute prison, surtout quand l’amour de la liberté se renforce de la haine du tyran.

— À merveille, sortez-en donc, Lorenza, mais écoutez ceci : vous n’avez plus que deux fois à en sortir : à la première, je vous châtierai si cruellement, que vous répandrez toutes les larmes de votre corps ; à la seconde, je vous frapperai si impitoyablement, que vous répandrez tout le sang de vos veines.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! il m’assassinera ! hurla la jeune femme arrivée au dernier paroxysme de la colère, en s’arrachant les cheveux et en se roulant sur le tapis.

Balsamo la considéra un instant avec un mélange de colère et de pitié. Enfin, la pitié parut l’emporter sur la colère.

— Voyons, Lorenza, dit-il, revenez à vous, soyez calme ; un jour viendra où vous serez également récompensée de ce que vous aurez souffert ou cru souffrir.