Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/59

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— C’est énorme en hermétique, monseigneur, répliqua naïvement Balsamo ; mais en attendant, Éminence, voici deux creusets vides, deux moules remplis, et cent livres d’or fin.

Et saisissant, à l’aide de ses puissantes tenailles, le premier moule, il le jeta dans l’eau, qui tourbillonna et fuma longtemps ; puis il l’ouvrit, il en tira un morceau d’or irréprochable, ayant la forme d’un petit pain de sucre aplati aux deux pôles.

— Nous avons près d’une heure à attendre pour les deux autres creusets, dit Balsamo ; en attendant, Votre Éminence veut-elle s’asseoir ou respirer le frais ?

— Et c’est de l’or ? demanda le cardinal sans répondre à l’interrogation de l’opérateur.

Balsamo sourit. Le cardinal était bien à lui.

— En douteriez-vous, monseigneur ?

— Écoutez donc, la science s’est trompée tant de fois…

— Vous ne dites pas votre pensée tout entière, mon prince, dit Balsamo. Vous croyez que je vous trompe et que je vous trompe sciemment. Monseigneur, je serais bien peu de chose à mes propres yeux si j’agissais ainsi, car mes ambitions n’iraient pas au delà des murs de mon cabinet, qui vous verrait sortir tout émerveillé pour aller perdre votre admiration chez le premier batteur d’or venu. Allons, allons, faites-moi plus d’honneur, mon prince, et croyez que si je voulais tromper, ce serait plus adroitement et dans un but plus élevé. Au surplus, Votre Éminence sait comment on éprouve l’or ?

— Sans doute, par la pierre à toucher.

— Monseigneur n’a pas manqué de faire l’expérience, lui-même, ne fût-ce que sur les onces d’Espagne qui sont fort courues au jeu, étant de l’or le plus fin que l’on puisse trouver, mais parmi lesquelles il s’en trouve beaucoup de fausses ?

— Cela m’est arrivé effectivement.

— Eh bien ! monseigneur, voici une pierre et de l’acide.

— Non, je suis convaincu.

— Monseigneur, faites-moi le plaisir de vous assurer que ces