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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/76

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chacun de notre côté, et à nos risques et périls. Je ne vous seconderai pas par un crime.

— Par un crime ?

— Oui, et quel crime encore ! un de ceux qui lancent après vous toute une population aboyante ; un crime qui vous fait accrocher à ces potences infâmes dont votre science n’a pas encore plus garanti les hommes supérieurs que les hommes pires.

Althotas frappa de ses deux mains sèches sur la table de marbre.

— Voyons, voyons, dit-il, ne sois pas un idiot humanitaire, la pire race d’idiots qui existe au monde. Voyons, viens, et causons un peu de la loi, de ta brutale et absurde loi écrite par des animaux de ton espèce, que révolte une goutte de sang versée intelligemment, mais qu’affriandent des torrents de liqueur vitale répandue sur les places publiques, au pied des remparts des villes, dans ces plains qu’on appelle des champs de bataille ; de ta loi toujours inepte et égoïste qui sacrifie l’homme de l’avenir à l’homme présent, et qui a pris pour devise : « Vive aujourd’hui ! meure demain ! » Causons de cette loi, veux-tu ?

— Dites ce que vous avez à dire, je vous écoute, répondit Balsamo de plus en plus sombre.

— As-tu un crayon, une plume ? Nous allons faire un petit calcul.

— Je calcule sans plume et sans crayon. Dites ce que vous avez à dire.

— Voyons ton projet. Oh ! je me rappelle… tu renverses un ministère, tu casse les Parlements, tu établis des juges iniques, tu amènes une banqueroute, tu fomentes des révoltes, tu allumes une révolution, tu renverses une monarchie, tu laisses s’élever un protectorat, et tu précipites le protecteur.

« La Révolution t’aura donné la liberté.

« Le protectorat, l’égalité.

« Or, les Français étant libres et égaux, ton œuvre est accomplie.

« N’est-ce pas cela ?

— Oui ; regardez-vous la chose comme impossible ?