Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/85

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corps humain a du sang qui, lorsqu’il s’échappe, emmène avec lui la vie : j’empêcherai que le sang ne sorte du corps. La chair est molle et facile à entamer, je la rendrai invulnérable comme celle des paladins du Moyen Âge, sur laquelle s’émoussait le fil des épées et le tranchant des haches. Il ne faut pour cela qu’un Althotas qui vive trois cents ans. Eh bien, donne-moi ce que je te demande, et j’en vivrai mille. Oh ! mon cher Acharat, cela dépend de toi. Rends-moi ma jeunesse, rends-moi la vigueur de mon corps, rends-moi la fraîcheur de mes idées, et tu verras si je crains l’épée, la balle, le mur qui croule ou la bête brute qui mord ou qui rue. À ma quatrième jeunesse, Acharat, c’est-à-dire avant que j’aie vécu l’âge de quatre hommes, j’aurai renouvelé la face de la terre, et je te dis, j’aurai fait pour moi et pour l’humanité régénérée un monde à mon usage, un monde sans cheminées, sans épées, sans balle de mousquet, sans chevaux qui ruent ; car alors, les hommes comprendront qu’il vaut mieux vivre, s’entraider, s’aimer, que de se déchirer ou de se détruire.

— C’est vrai, ou du moins, c’est possible, maître.

— Laissez-moi réfléchir encore, et réfléchissez vous-même.

Althotas lança à son adepte un regard de souverain mépris.

— Va ! dit-il, va, je te convaincrai plus tard ; et d’ailleurs, le sang de l’homme n’est pas un ingrédient si précieux qu’il ne puisse se remplacer peut-être par une autre matière. Va ! je chercherai, je trouverai. Je n’ai pas besoin de toi. Va !

Basalmo frappa du pied la trappe, et descendit dans l’appartement inférieur, muet, immobile, et tout courbé sous le génie de cet homme, qui forçait de croire aux choses impossibles, en faisant lui-même des choses impossibles.