Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/87

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en chercher même quand Sa Majesté paraissait s’ennuyer, ce qui, on le sait, lui arrivait souvent.

Donc, madame du Barry étant jalouse, comme nous l’avons dit, elle voulut connaître à fond les causes de la distraction du roi. Le roi répondit ces paroles mémorables, dont il ne pensait pas un seul mot :

— Je m’occupe beaucoup du bonheur de ma bru, et je ne sais vraiment si M. le dauphin lui donnera le bonheur.

— Et pourquoi pas, sire ?

— Parce que M. Louis, à Compiègne, à Saint-Denis et à La Muette, m’a paru regarder beaucoup les autres femmes et très peu la sienne.

— En vérité, sire, si Votre Majesté elle-même ne me disait une pareille chose, je ne la croirais pas : madame la dauphine est jolie, cependant.

— Elle est un peu maigre.

— Elle est si jeune !

— Bon, voyez mademoiselle de Taverney, elle a l’âge de l’archiduchesse.

— Eh bien ?

— Eh bien, elle est parfaitement belle.

Un éclair brilla dans les yeux de la comtesse et avertit le roi de son étourderie.

— Mais vous-même, chère comtesse, reprit vivement le roi, vous qui parlez, à seize ans vous étiez ronde, j’en suis sûr, comme les bergères de notre ami Boucher.

Cette petite adulation raccommoda un peu les choses, cependant le coup avait porté.

Aussi madame du Barry prit-elle l’offensive en minaudant :

— Ah çà ! dit-elle, elle est donc bien belle, cette demoiselle de Taverney ?

— Eh ! le sais-je ? dit Louis XV.

— Comment ! vous la vantez et vous ne savez pas, dites-vous, si elle est belle ?

— Je sais qu’elle n’est pas maigre, voilà tout.

— Donc vous l’avez vue et examinée.