Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/103

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— On dit avec raison, monsieur le maréchal, que vous êtes un esprit généreux, libéral ! s’écria maître Flageot ; j’en propagerai la renommée, monsieur le duc.

— Vous me comblez, mon cher procureur, répondit Richelieu en s’inclinant.

— Bernardet ! cria le procureur enthousiasmé à son clerc, vous insérerez à la péroraison l’éloge de M. le maréchal de Richelieu.

— Non, non pas ! maître Flageot, je vous en supplie…, répliqua vivement le maréchal ; oh ! diable ! qu’allez-vous faire là ? j’aime le secret pour ce qu’on est convenu d’appeler une bonne action… Ne me désobligez pas, maître Flageot, je nierais, voyez-vous, je démentirais : ma modestie est susceptible… Voyons, comtesse, que dites-vous ?

— Je dis que mon procès sera jugé… qu’il me faut un jugement, et je l’aurai.

— Et moi je dis que si votre procès est jugé, madame, c’est que le roi aura envoyé les Suisses, les chevau-légers et vingt pièces de canon dans la grand-salle, répondit maître Flageot d’un air belliqueux qui acheva de consterner la plaideuse.

— Vous ne croyez pas, alors, que Sa Majesté puisse sortir de ce pas ? dit tout bas Richelieu à Flageot.

— Impossible, monsieur le maréchal ; c’est un cas inouï. Plus de justice en France, c’est comme s’il n’y avait plus de pain.

— Croyez-vous ?

— Vous verrez.

— Mais le roi se fâchera.

— Nous sommes résolus à tout !

— Même à l’exil ?

— Même à la mort, monsieur le maréchal ! parce qu’on porte une robe, on n’a pas moins un cœur.

Et M. Flageot frappa vigoureusement sa poitrine.

— En effet, dit Richelieu à sa compagne, je crois, madame, que voilà un mauvais pas pour le ministère.

— Oh ! oui, répondit après un silence la vieille comtesse,