Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/113

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air plaintif, et le porta pendant tout le chemin à la cérémonie, ce qui disposa très favorablement l’opinion envers elle.

Madame du Barry était brave. Elle avait la confiance que donnent la jeunesse et la beauté. D’ailleurs, n’avait-on pas tout dit sur elle ; qu’ajouter à tout ? Elle parut rayonnante, comme si un reflet de l’auguste splendeur de son amant jaillissait jusqu’à elle.

M. le duc d’Aiguillon marchait hardiment au nombre des pairs qui précédaient le roi. Son visage plein de noblesse et de caractère n’accusait aucune trace de chagrin ni de mécontentement. Il ne portait pas la tête en triomphateur. À le voir ainsi marchant, nul n’eût deviné la bataille que le roi et les parlements s’étaient livrée sur le terrain de sa personnalité.

On se le montra du doigt dans la foule ; on lui lança des regards terribles des rangs des parlementaires, et ce fut tout.

La grande salle du palais était pleine à déborder, intéressés et intéressants faisaient un total de plus de trois mille personnes.

Au dehors, la foule, contenue par les verges des huissiers, les bâtons et les masses des archers, ne trahissait sa présence que par ce bourdonnement intraduisible qui n’est pas une voix, qui n’articule rien, mas qui se fait entendre cependant, et qu’on appellerait assez justement le bruit des fluides populaires.

Même silence dans la grande salle lorsque le bruit des pas eut cessé, lorsque chacun eut pris sa place, et que le roi, majestueux et sombre, eut commandé à son chancelier de prendre la parole.

Les parlementaires savaient d’avance ce que leur réservait le lit de justice. Ils comprenaient bien pourquoi on les avait convoqués. Ce devait être pour leur faire entendre des volontés peu mitigées ; mais ils connaissaient la longanimité, pour ne pas dire la timidité du roi, et, s’ils avaient peur, c’était plutôt des suites du lit de justice que de la séance elle-même.

Le chancelier prit la parole. Il était beau diseur. Son exorde