Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/117

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Le roi se souleva sur ses coussins fleurdelisés.

Aussitôt le capitaine des gardes, le commandant de la maison militaire et tous les gentilshommes se levèrent.

Le tambour battit, les trompettes sonnèrent au dehors. Ce frémissement presque silencieux du peuple à l’arrivée se changea en un mugissement qui s’éteignait au lointain, refoulé par les soldats et les archers.

Le roi traversa fièrement la salle, sans voir autre chose sur son passage que des fronts humiliés.

M. d’Aiguillon continua de précéder Sa Majesté sans abuser de son triomphe.

Le chancelier, arrivé à la porte de la salle, vit au loin tout ce peuple, s’effraya de tous ces éclairs, qui, malgré la distance, arrivaient jusqu’à lui ; il dit aux archers :

— Serrez-moi.

M. de Richelieu, que saluait profondément le duc d’Aiguillon, dit à son neveu :

— Voilà des fronts bien bas, duc, il faudra un jour ou l’autre qu’ils se relèvent diablement haut. Prenez garde !

Madame du Barry passait en ce moment par le couloir avec son frère, la maréchale de Mirepoix et plusieurs dames. Elle entendit le propos du vieux maréchal, et, comme elle avait plus de repartie que de rancune :

— Oh ! dit-elle, il n’y a rien à craindre, maréchal, n’avez-vous pas entendu les paroles de Sa Majesté ? Le roi a dit, ce me semble, qu’il ne changerait jamais.

— Paroles terribles, en effet, madame, répondit le vieux duc avec un sourire ; mais ces pauvres parlementaires n’ont pas vu, heureusement pour nous, qu’en disant qu’il ne changerait jamais, le roi vous regardait.

Et il termina ce madrigal par une de ces inimitables révérences qu’on le sait plus même faire aujourd’hui sur le théâtre.

Madame du Barry était femme, et nullement politique. Elle ne vit que le compliment, là où M. d’Aiguillon sentit parfaitement l’épigramme et la menace.

Aussi, fut-ce par un sourire qu’elle répondit, au lieu que son