Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/118

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allié se mordit les lèvres et pâlit de voir durer ce ressentiment du maréchal.

L’effet du lit de justice fut immédiatement favorable à la cause royale. Mais souvent un grand coup ne fait qu’étourdir, et il est à remarquer qu’après les étourdissements le sang circule avec plus de vigueur et de pureté.

Telle fut du moins la réflexion que fit, en voyant partir le roi avec son pompeux cortège, un petit groupe de gens vêtus simplement et posés en observateurs au coin du quai aux Fleurs et de la rue de la Barillerie.

Ces hommes étaient trois… Le hasard les avait assemblés à cet angle, et de là, ils paraissaient avoir suivi avec intérêt les impressions de la foule ; et, sans se connaître, une fois mis en rapport par quelques mots échangés, ils s’étaient rendu compte de la séance avant même qu’elle ne fût terminée.

— Voilà les passions bien mûries, dit l’un d’eux, vieillard aux yeux brillants, à la figure douce et honnête… Un lit de justice est une grande œuvre.

— Oui, répondit en souriant avec amertume un jeune homme, oui, si l’œuvre réalisait exactement les mots.

— Monsieur, répliqua le vieillard en se retournant, il me semble que je vous connais… Je vous ai vu déjà, je crois ?

— Dans la nuit du 31 mai. Vous ne vous trompez pas, monsieur Rousseau.

— Ah ! vous êtes ce jeune chirurgien, mon compatriote, M. Marat ?

— Oui, monsieur, pour vous servir.

Les deux hommes échangèrent une révérence.

Le troisième n’avait pas encore pris la parole. C’était un homme jeune aussi, et d’une noble figure, qui, durant toute la cérémonie, n’avait fait qu’observer l’attitude de la foule.

Le jeune chirurgien partit le premier, se hasardant au milieu du peuple, qui, moins reconnaissant que Rousseau, l’avait déjà oublié, mais à la mémoire duquel il comptait bien se rappeler un jour.

L’autre jeune homme attendit qu’il fût parti, et, s’adressant alors à Rousseau :