Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/124

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acheva de se monter l’imagination avec les mélopées les plus ronflantes, les plus larges et les plus guerrières qu’il put arracher aux flancs de l’instrument sonore.

La nuit vint. Thérèse, fatiguée d’avoir tourmenté vainement son captif, dormait sur sa chaise ; Rousseau, dont le cœur battait fort, prit son habit neuf comme pour aller en bonne fortune ; il étudia un moment dans la glace le jeu de ses yeux noirs, qu’il trouva vifs et parlants ; ce qui le charma.

Il s’appuya sur sa canne de jonc, et, sans avoir réveillé Thérèse, s’esquiva de l’appartement.

Mais, arrivé au bas de l’escalier, après avoir fait jouer de sa main le secret de la porte ouvrant sur la rue, Rousseau commença par regarder au dehors, afin de s’assurer de l’état des localités.

Il ne passait aucune voiture : la rue, comme de coutume, était pleine de flâneurs, dont les uns regardaient les autres, comme c’est encore la coutume, tandis que beaucoup s’arrêtaient aux vitres des boutiques pour lorgner les jolies filles de comptoir.

Un homme de plus était donc parfaitement inaperçu dans ce tourbillon. Rousseau s’y précipita ; il n’avait pas un long chemin à faire.

Un chanteur avec un aigre violon stationnait dans la porte qu’on avait signalée à Rousseau. Cette musique, à laquelle sont sensibles les oreilles de tout véritable Parisien, emplissait la rue d’échos qui s’en allaient répétant les dernières mesures du refrain chanté par le violon ou le chanteur lui-même.

Rien n’était donc plus défavorable au mouvement circulatoire que l’engorgement formé à cet endroit par le cercle des auditeurs. Il fallait nécessairement que tout passant tournât à droite ou à gauche du groupe ; ceux qui tournaient à gauche prenaient la rue, ceux qui tournaient à droite longeaient la maison désignée, et vice versa.

Rousseau remarqua que plusieurs de ces passants se perdirent en route, comme s’ils fussent tombés dans quelque trappe. Il compta que ceux-là étaient venus dans le même but que