Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour simuler la peur, quand on sait ne rien avoir à craindre, lui paraissaient être le comble de la puérilité et de la superstition oiseuse.

Il y a plus, le timide philosophe, ennemi des manifestations et des exhibitions individuelles, se fût trouvé malheureux de donner sa personne en spectacle à des gens qu’il ne connaissait pas, et qui, cela était certain, le mystifiaient avec plus ou moins de bonne foi.

Il en résulta que, se voir dispensé des épreuves, fut pour lui plus qu’une satisfaction. Il connaissait la rigueur de l’égalité devant les principes maçonniques ; or, une exception en sa faveur constituait un triomphe.

Il s’apprêtait à répondre par quelques mots à la gracieuse faconde du président, lorsqu’une voix s’éleva de l’auditoire.

— Au moins, dit cette voix, qui était aigre et vibrante, puisque vous vous croyez obligé de traiter en prince un homme comme nous, au moins, puisque vous le dispensez des angoisses physiques comme si ce n’était pas un de nos symboles que la recherche de la liberté à travers la souffrance du corps, nous espérons que vous n’allez pas conférer un titre précieux à un inconnu sans l’avoir questionné selon le rite et sans avoir obtenu sa profession de foi.

Rousseau se retourna pour voir le visage de l’agressif personnage qui frappait si rudement sur le char du triomphateur.

Il reconnut alors, avec la plus vive surprise, ce jeune chirurgien que le matin encore il avait rencontré au quai aux Fleurs.

Le sentiment de sa bonne foi, un sentiment de dédain peut-être pour le titre précieux, l’empêcha de répondre.

— Vous avez entendu ? dit le président en s’adressant à Rousseau.

— Parfaitement, répondit le philosophe, à qui sa propre voix donna un léger frisson lorsqu’elle résonna sous la voûte de cette cave sombre. Or, je m’étonne bien plus des interpellations lorsque je vois par qui elles ont été faites. Quoi ! un homme dont l’état est de combattre ce qu’on appelle la souffrance physique et de venir ainsi en aide à ses frères, qui sont