Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/133

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— Frère, dit l’inconnu à la voix conciliante, permettez-moi de vous appeler ainsi, car nous sommes réellement des frères en dehors de toute combinaison de l’esprit humain. Frère ! ne cédez pas à un mouvement de dépit bien naturel ; sacrifiez un peu de votre légitime orgueil ; faites pour nous ce qui vous répugne. Vos conseils, vos idées, votre présence, c’est la lumière ! Ne nous plongez pas dans la double nuit de votre absence et de votre refus.

— Vous vous trompez, dit Rousseau, je ne vous ôte rien, puisque je ne donnerai jamais plus que je n’ai donné à tout le monde, au premier lecteur venu, à la première interprétation des gazettes ; si vous voulez le nom et l’essence de Rousseau…

— Nous le voulons ! dirent avec politesse plusieurs voix.

— Alors, prenez une collection de mes ouvrages, placez les volumes sur la table de votre président, et, lorsque vous irez aux opinions et que mon tour de dire la mienne sera venu, ouvrez mon livre, vous trouverez mon avis, ma sentence.

Rousseau fit un pas pour sortir.

— Un moment ! dit le chirurgien, les volontés sont libres, et celle de l’illustre philosophe autant que toutes les autres ; mais il serait peu régulier d’avoir laissé accès dans notre sanctuaire à un profane qui, n’étant lié par aucune clause même tacite, pourrait, sans être un malhonnête homme, révéler nos mystères.

Rousseau lui rendit son sourire de compassion.

— C’est un serment de discrétion que vous me demandez ? dit-il.

— Vous l’avez dit.

— Je suis tout prêt.

— Veuillez lire la formule, frère vénérable, dit Marat.

Le frère vénérable lut en effet cette formule :

— « Je jure en présence du grand Dieu éternel, architecte de l’univers, de mes supérieurs et de la respectable assemblée qui m’entoure, de ne révéler jamais, ni faire connaître, ni écrire rien de ce qui s’opère sous mes yeux, me condamnant moi-même, en cas d’imprudence, à être puni selon les lois du