Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/137

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grades, s’écria Marat avec chaleur, l’enverra-t-il moins pourrir à la Bastille que vous et moi ?

— D’accord ; mais il n’y aura dommage que pour l’individu et non pour l’ordre, qui doit passer chez nous avant toutes choses ; tandis que si le chef est emprisonné, la conjuration s’arrête ; tandis que si le général manque, l’armée perd la bataille. Frères, veillez donc au salut des chefs !

— Oui, mais qu’ils veillent de leur côté au nôtre.

— C’est leur devoir.

— Et que leurs fautes soient doublement punies.

— Encore une fois, mon frère, vous vous éloignez des constitutions de l’ordre. Ignorez-vous que le serment qui lie tous les membres de notre association est un, et applique à tous les mêmes peines.

— Toujours les grands s’y soustrairont.

— Ce n’est point l’avis des grands, frères ; écoutez la fin de la lettre de notre prophète Swedenborg, un des grands parmi nous ; voici ce qu’il ajoute :

« Le mal viendra d’un des grands, d’un très grand de l’ordre, ou, s’il ne vient pas précisément de lui, la faute ne lui en sera pas moins imputable ; rappelez-vous que le feu et l’eau peuvent être complices : l’un donne la lumière, l’autre les révélations.

« Veillez, frère, sur tout et sur tous ; veillez. »

— Alors, dit Marat saisissant dans le discours de Balsamo et dans la lettre de Swedenborg le côté dont il voulait tirer parti, répétons le serment qui nous lie, et engageons-nous à le tenir dans toute sa rigueur, quel que soit celui qui aura trahi ou sera cause de la trahison.

Balsamo se recueillit un instant, et, se levant de son siège, il prononça les paroles consacrées que nos lecteurs ont déjà vues une fois d’une voix lente, solennelle et terrible :

« Au nom du Fils crucifié, je jure de briser les liens charnels qui m’attachent à père, mère, frères, sœurs, épouse, parents, amis, maîtresse, rois, chefs, bienfaiteurs, et tout être quelconque à qui j’ai promis foi, obéissance, reconnaissance ou service.