Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/142

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mais, devant cette politique, on rit et l’on ne se corrige pas. Or, depuis trois cents ans, avez-vous vu un seul abus redressé ? Assez de poètes ! assez de théoriciens ! des œuvres, des actions ! Nous livrons depuis trois siècles la France à la médecine, et il est temps que la chirurgie y entre à son tour, le scalpel et la scie à la main. La société est gangrenée, arrêtons la gangrène avec le fer. Celui-là peut attendre qui sort de table pour se coucher sur un tapis moelleux dont il fait enlever les feuilles de roses par le souffle de ses esclaves, car l’estomac satisfait communique au cerveau de chatouillantes vapeurs qui le recréent et le béatifient ; mais la faim, mais la misère, mais le désespoir, ne se rassasient point, ne se soulagent point avec des strophes, des sentences et des fabliaux. Ils poussent de grands cris dans leurs grandes souffrances ; sourd celui qui n’entend pas ces lamentations ; maudit celui qui n’y répond pas. Une révolte, dût-elle être étouffée, éclaircira les esprits plus que mille ans de préceptes, plus que trois siècles d’exemples ; elle éclairera les rois, si elle ne les renverse pas ; c’est beaucoup, c’est assez ! »

Un murmure flatteur s’exhala de quelques lèvres.

— Où sont nos ennemis ? poursuivit Marat ; au-dessus de nous ; ils gardent la porte des palais, ils entourent les degrés du trône ; sur ce trône est le palladium, qu’ils gardent avec plus de soin et de craintes que ne le faisaient les Troyens. Ce palladium, qui les fait tout-puissants, riches, insolents, c’est la royauté. À cette royauté on ne peut arriver qu’en passant sur le corps de ceux qui la gardent, comme on ne peut arriver au général qu’en renversant les bataillons qui le protègent. Eh bien ! force bataillons ont été renversés, nous raconte l’histoire, force généraux ont été pris depuis Darius jusqu’au roi Jean, depuis Régulus jusqu’à Duguesclin.

« Renversons la garde, nous arriverons jusqu’à l’idole ; frappons d’abord les sentinelles, nous frapperons ensuite le chef. Aux courtisans, aux nobles, aux aristocrates, la première attaque ; aux rois la dernière. Comptez les têtes privilégiées : deux cent mille à peine ; promenez-vous, une baguette tranchante à la main, dans ce beau jardin qu’on nomme la France