Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/15

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— Quoi ! lui donner un portefeuille, en ce moment ? C’est impossible.

— Je le conçois… mais plus tard… Songez qu’il est homme de ressources, d’action, et qu’avec Terray, d’Aiguillon et Maupeou, vous aurez les trois têtes de Cerbère ; songez aussi que votre ministère est une plaisanterie qui ne peut pas durer.

— Vous vous trompez, comtesse, il durera bien trois mois.

— Dans trois mois, je retiens votre parole.

— Oh ! oh ! comtesse.

— C’est dit ; maintenant… il me faut du présent.

— Mais je n’ai rien.

— Vous avez des chevau-légers ; M. d’Aiguillon est un officier, c’est ce qu’on appelle une épée, donnez-lui vos chevau-légers.

— Allons, soit, il les aura.

— Merci ! s’écria la comtesse transportée de joie, merci !

— À présent, dit le roi, faites-moi souper, comtesse.

— Non, dit-elle, il n’y a rien ici ; vous m’avez assommée de politique… Mes gens ont fait des discours, des feux d’artifices, mais de cuisine point.

— Alors, venez à Marly ; je vous emmène.

— Impossible : j’ai ma pauvre tête fendue en quatre.

— La migraine ?

— Impitoyable. — Il faut vous coucher alors, comtesse.

— C’est ce que je vais faire, sire.

— Alors, adieu…

— Au revoir, c’est-à-dire.

— J’ai un peu l’air de M. de Choiseul : on me renvoie.

— En vous reconduisant, en vous festoyant, dit la folâtre femme, qui tout doucement poussait le roi vers la porte et finit par le mettre dehors, riant aux éclats et se retournant à chaque marche de l’escalier.

Du haut du péristyle, la comtesse tenait un bougeoir.