Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/178

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Marat se mit à décacheter la lettre et à la lire, tandis que dame Grivette, debout et frissonnante sous la volonté toute-puissante de Balsamo, répétait, au fur et à mesure que Marat les lisait lui-même, les paroles suivantes :

« Mon cher Hippocrate,

« Apelles vient de faire son premier portrait ; il l’a vendu cinquante francs ; on mange aujourd’hui ces cinquante francs à la buvette de la rue Saint-Jacques. En es-tu ?

« Il est bien entendu qu’on en boit une partie.

« Ton ami,
L. David. »

C’était textuellement ce qui était écrit.

Marat laissa tomber le papier.

— Eh bien, dit Balsamo, vous voyez que dame Grivette a aussi une âme, et que cette âme veille lorsqu’elle dort.

— Et une âme étrange, dit Marat, une âme qui sait lire quand le corps ne le sait pas.

— Parce que l’âme sait toute chose, parce que l’âme peut reproduire par réflexion. Essayez de lui faire lire cette lettre quand elle sera réveillée, c’est-à-dire quand le corps aura enveloppé l’âme de son ombre, et vous verrez.

Marat restait sans parole ; toute sa philosophie matérialiste se révoltait en lui, mais ne trouvait pas une réponse.

— Maintenant, continua Balsamo, nous allons passer à ce qui vous intéresse le plus, c’est-à-dire à ce qu’est devenue votre montre. Dame Grivette, dit Balsamo, qui a pris la montre de M. Marat ?

La somnambule fit un geste de violente dénégation.

— Je ne sais pas, dit-elle.

— Vous le savez parfaitement, insista Balsamo et vous le direz.

Puis, avec une volonté plus forte encore :

— Qui a pris la montre de M. Marat ? Dites.

— Dame Grivette n’a pas volé la montre de M. Marat. Pourquoi