Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/177

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un pas vers cette femme, debout et menaçante au milieu de la chambre, et la regardant avec un sinistre éclat, il lui présenta deux doigts à la poitrine en prononçant, non pas avec les lèvres, mais avec ses yeux, avec sa pensée, avec sa volonté tout entière, un mot que Marat ne put entendre.

Aussitôt dame Grivette se tut, chancela, et, perdant l’équilibre, elle alla à reculons, les yeux effroyablement dilatés, écrasée sous la puissance du fluide magnétique, tomber sur le lit, sans prononcer une seule parole.

Bientôt ses yeux se fermèrent et s’ouvrirent, mais sans que cette fois on vît la prunelle ; sa langue remua convulsivement ; le torse ne bougea point, et cependant ses mains tremblèrent comme secouées par la fièvre.

— Oh ! oh ! dit Marat, comme le blessé de l’hôpital !

— Oui.

— Elle dort donc ?

— Silence ! dit Balsamo.

Puis, s’adressant à Marat :

— Monsieur, dit-il, voici le moment où toutes vos incrédulités vont cesser, toutes vos hésitations s’évanouir ; ramassez cette lettre que vous apportait cette femme et qu’elle a laissée échapper lorsqu’elle est tombée.

Marat obéit.

— Eh bien ? demanda-t-il.

— Attendez.

Et, prenant la lettre des mains de Marat :

— Savez-vous de qui vient cette lettre ? demanda Balsamo la présentant à la somnambule.

— Non, monsieur, répliqua-t-elle.

Balsamo approcha la lettre toute fermée de cette femme.

— Lisez-la pour monsieur Marat, qui désire savoir ce qu’elle contient.

— Elle ne sait pas, dit Marat.

— Oui ; mais vous savez lire, vous ?

— Sans doute.

— Eh bien, lisez-la, et elle lira de son côté, au fur et à mesure que les mots se graveront dans votre esprit.