Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/182

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Alors dame Grivette, toujours endormie, ouvrit la porte, descendit l’escalier comme eût fait un oiseau ou une chatte, c’est-à-dire en effleurant à peine les marches.

Marat la suivit, craignant qu’elle ne tombât et qu’en tombant elle ne se brisât la tête.

Arrivée au bas de l’escalier, elle franchit le seuil de la porte, traversa la rue, toujours suivie du jeune homme, qu’elle guida ainsi jusque dans la maison, au grenier signalé.

Elle heurta à la porte ; Marat sentait son cœur battre si violemment qu’il lui semblait qu’on dût l’entendre.

Un homme était dans le grenier ; il ouvrit : dans cet homme, Marat reconnut un ouvrier de vingt-cinq à trente ans, qu’il avait vu parfois dans la loge de sa portière.

En apercevant dame Grivette suivie de Marat, il recula.

Mais la somnambule alla droit au lit, et passant sa main sous le maigre traversin, elle en tira la montre, qu’elle remit à Marat, tandis que le cordonnier Simon, pâle d’effroi, n’osait articuler un mot et suivait d’un œil égaré jusqu’aux moindres gestes de cette femme, qu’il croyait folle.

À peine eût-elle touché la main de Marat en lui remettant la montre, qu’elle poussa un profond soupir et murmura :

— Il m’éveille, il m’éveille.

En effet, tous ses nerfs se détendirent comme un câble abandonné par la poulie ; ses yeux reprirent l’étincelle vitale, et, se trouvant en face de Marat, la main dans sa main, et tenant encore cette montre, c’est-à-dire la preuve irrécusable du crime, elle tomba évanouie sur les planches du grenier.

— La conscience existerait-elle réellement ? se dit Marat en sortant de la chambre, avec le doute dans le cœur et la rêverie dans les yeux.