Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/181

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— À Simon.

Puis elle couvrit son visage de ses deux mains et versa un torrent de larmes.

Balsamo jeta un regard sur Marat, qui, la bouche béante, les cheveux en désordre, les paupières dilatées, contemplait cet effrayant spectacle.

— Eh bien, monsieur, dit-il, vous voyez enfin la lutte de l’âme avec le corps. Voyez-vous la conscience forcée comme dans une redoute qu’elle croyait inexpugnable ? Voyez-vous enfin que Dieu n’a rien oublié dans ce monde, et que tout est dans tout ? Ne niez donc plus la conscience, ne niez donc plus l’âme ; ne niez donc plus l’inconnu, jeune homme ! surtout ne niez pas la foi, qui est le pouvoir suprême ; et puisque vous avez de l’ambition, étudiez, monsieur Marat ; parlez peu, pensez beaucoup, et ne vous laissez plus aller à juger légèrement vos supérieurs. Adieu, vous avez un champ bien vaste ouvert par mes paroles ; fouillez ce champ qui renferme des trésors. Adieu. Heureux, bien heureux si vous pouvez vaincre le démon de l’incrédulité qui est en vous, comme j’ai vaincu celui des mensonges qui est dans cette femme.

Et il partit sur ces mots, qui firent monter aux joues du jeune homme la rougeur de la honte.

Marat ne songea même point à prendre congé de lui.

Mais, après la première stupeur, il s’aperçut que dame Grivette dormait toujours.

Ce sommeil lui parut épouvantable. Marat eût préféré avoir un cadavre sur son lit, dût M. de Sartines interpréter cette mort à sa façon.

Il regarda cette atonie, ces yeux retournés, ces palpitations, et il eut peur.

Sa peur s’accrut encore quand le cadavre vivant se leva, vint lui prendre la main et lui dire :

— Venez avec moi, monsieur Marat.

— Où cela ?

— Rue Saint-Jacques.

— Pourquoi ?

— Venez, venez ; il m’ordonne de vous y conduire.

Marat, qui était tombé sur une chaise, se leva.