Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/191

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— C’est vrai, monsieur, répliqua Rousseau en souriant ; mais les vieillards ont le privilège des jolies femmes : on les prie.

— Monsieur Rousseau, vous voudrez donc bien me donner votre heure, je vous enverrai mon carrosse, ou plutôt je viendrai vous prendre moi-même pour vous conduire.

— Pour cela, non, monsieur, je vous arrête, dit Rousseau. J’irai à Trianon, soit ; mais laissez-moi la faculté d’y aller à mon gré, à ma guise ; ne vous occupez plus de moi à partir de ce moment. J’irai, voilà tout, donnez-moi l’heure.

— Quoi ! monsieur, vous me refusez d’être votre introducteur ; il est vrai que je serais indigne et qu’un nom pareil au vôtre s’annonce bien tout seul.

— Monsieur, je sais que vous êtes à la cour plus que je ne suis moi-même en aucun lieu du monde… Je ne refuse donc pas votre offre, à vous personnellement, mais j’aime mes aises ; je veux aller là-bas comme j’irais à la promenade, et enfin… voilà mon ultimatum.

— Je m’incline, monsieur, et me garderais bien de vous déplaire en quoi que ce fût. La répétition commencera ce soir à six heures.

— Fort bien, à six heures moins un quart je serai à Trianon.

— Mais enfin, par quels moyens ?

— Cela me regarde ; mes voitures, à moi, les voici :

Il montra sa jambe encore bien prise et qu’il chaussait avec une sorte de prétention.

— Cinq lieues ! dit M. de Coigny consterné ; mais vous serez brisé, la soirée va être fatigante, prenez garde.

— Alors, j’ai ma voiture et mes chevaux aussi ; voiture fraternelle, carrosse populaire, qui est au voisin aussi bien qu’à moi, comme l’air, le soleil et l’eau, carrosse qui coûte quinze sous.

— Ah ! mon Dieu ! la patache ! vous me donnez le frisson.

— Les banquettes, si dures pour vous, me paraissent un lit de sybarite. Je les trouve rembourrées de duvet ou de feuilles de rose. À ce soir, monsieur, à ce soir.