Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/194

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ont sur leurs habits devrait être réparti sur les têtes des malheureux qui manquent de pain. Voilà pourquoi, moi qui pense tout cela, je ne vais qu’avec répugnance à la cour.

— Je ne dis pas que le peuple soit heureux, dit Thérèse ; mais, enfin, le roi est le roi.

— Eh bien ! je lui obéis ; que veut-il de plus ?

— Ah ! vous obéissez, c’est possible ; mais il ne faut pas dire que vous allez à contre-cœur, sinon je répondrai, moi, que vous êtes un hypocrite et que cela vous plaît beaucoup, ou que vous avez peur.

— Je n’ai peur de rien, dit superbement Rousseau.

— Bon ! allez donc un peu dire au roi le quart de ce que vous me racontiez tout à l’heure.

— Je le ferai assurément, si mon sentiment le commande.

— Vous ?

— Oui, moi ; ai-je jamais reculé ?

— Bah ! vous n’osez pas prendre au chat un os qu’il ronge, de peur qu’il ne vous griffe… Que sera-ce quand vous serez entouré de gardes et de gens d’épée ?… Voyez-vous, je vous connais comme si j’étais votre mère… Vous allez tout à l’heure vous raser de frais, Vous pommader, vous adoniser ; vous ferez belle jambe, vous prendrez votre petit clignement d’yeux intéressant, parce que vous avez les yeux tout petits et tout ronds, et qu’en les ouvrant naturellement, on les verrait, tandis qu’en clignant, vous faites croire qu’ils sont grands comme des portes cochères ; vous me demanderez vos bas de soie, vous mettrez l’habit chocolat à boutons d’acier, la perruque neuve, et un fiacre, et mon philosophe ira se faire adorer des belles dames… et demain, ah ! demain ce sera une extase, une langueur, vous serez revenu amoureux, vous écrirez de petites lignes en soupirant, et vous arroserez votre café de vos larmes. Oh ! comme je vous connais !…

— Vous vous trompez, ma bonne, dit Rousseau. Je vous dis qu’on me violente pour que j’aille à la cour. J’irai, parce qu’après tout je crains le scandale, comme tout honnête citoyen doit le craindre. D’ailleurs, je ne suis pas de ceux qui se refusent à reconnaître la suprématie d’un citoyen dans une