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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/200

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La dauphine l’attendait. Elle tenait à la main l’ariette de Colette :

J’ai perdu tout mon bonheur.

Aussitôt qu’elle vit Rousseau, elle vint à lui.

Le philosophe salua très humblement, en se disant qu’il saluait une femme et non une princesse.

La dauphine, de son côté, fut gracieuse avec le philosophe sauvage, comme elle l’eût été avec le plus accompli gentilhomme de l’Europe.

Elle lui demanda conseil sur l’inflexion à donner au troisième vers :

Colin me délaisse…

Rousseau développa une théorie de déclamation et de mélopée, qui fut interrompue, toute savante qu’elle fut, par l’arrivée bruyante du roi et de quelques courtisans.

Louis XV entra dans le foyer où madame la dauphine prenait ainsi la leçon du philosophe.

Le premier mouvement, le premier sentiment du roi, en apercevant ce personnage négligé, fut exactement le même qu’avait manifesté M. de Coigny ; seulement, M. de Coigny connaissait Rousseau, et Louis XV ne le connaissait pas.

Il regarda donc fort longtemps notre homme libre, tout en recevant les compliments et les remercîments de la dauphine.

Ce regard, empreint d’une autorité toute royale, ce regard qui n’était accoutumé à se baisser jamais devant aucun, produisit un indicible effet sur Rousseau, dont l’œil vif était incertain et timide.

La dauphine attendit que le roi eût fait son examen, et alors elle s’avança du côté de Rousseau en disant :

— Votre Majesté veut-elle me permettre de lui présenter notre auteur ?

— Votre auteur ? fit le roi affectant de chercher dans sa mémoire.