Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/199

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Les cinquante personnes qui formaient l’assemblée, assemblée intime s’il en fut, s’assirent sur un geste du roi.

— Eh bien, ne commence-t-on pas ? dit Louis XV.

— Sire, dit la dauphine, les bergers et les bergères ne sont pas encore habillés ; nous les attendons.

— On pouvait figurer en habit de ville, dit le roi.

— Non, sire, répliqua la dauphine du théâtre même, parce que nous voulons essayer les habits et les costumes aux lumières, pour en connaître sûrement l’effet.

— Très juste, madame, dit le roi ; alors, promenons-nous.

Et Louis XV se leva pour faire le tour du corridor et de la scène. Il était, d’ailleurs, assez inquiet de ne pas voir arriver madame du Barry.

Quand le roi fut parti de sa loge, Rousseau considéra mélancoliquement et avec un serrement de cœur cette salle vide et son propre isolement.

C’était un bien singulier contraste avec l’accueil qu’il avait redouté.

Il s’était figuré que devant lui tous les groupes s’ouvriraient, que la curiosité des gens de cour serait plus importune et plus significative que celle des Parisiens ; il avait craint les questions, les présentations ; et voilà que nul ne faisait attention à lui.

Il songea que sa barbe longue n’était pas encore assez longue, que des haillons n’eussent pas été plus remarqués que ses vieux habits. Il s’applaudit de ne pas avoir eu le ridicule de la prétention à l’élégance.

Mais, au fond de tout cela, il se sentait assez humilié d’être réduit tout au plus aux proportions d’un chef d’orchestre.

Soudain un officier s’approcha de lui et lui demanda s’il n’était pas M. Rousseau.

— Oui, monsieur, répliqua-t-il.

— Madame la dauphine désire vous parler, monsieur, dit l’officier.

Rousseau se leva fort ému.