Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/203

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de ses forces… Jamais il n’en avait appelé autant à son secours.

Le roi fredonna :


C’est un enfant, c’est un enfant…


— On dit que vous êtes très mal avec Voltaire, monsieur Rousseau ?

Pour le coup, Rousseau perdit le peu qu’il lui restait de tête : il perdit aussi toute contenance. Le roi ne parut pas avoir grand-pitié pour lui, et, poursuivant sa féroce mélomanie, il s’éloigna en chantant :


Allons danser sous les ormeaux.
Animez-vous, jeunes fillettes.


avec des accompagnements d’orchestre à faire périr Apollon, comme ce dernier avait fait périr Marsyas.

Rousseau demeura seul au milieu du foyer. La dauphine l’avait quitté pour mettre la dernière main à sa toilette.

Rousseau, trébuchant, tâtonnant, regagna le corridor ; mais, au beau milieu, il se heurta dans un couple éblouissant de diamants, de fleurs et de dentelles, qui emplissait le corridor, bien que le jeune homme serrât fort tendrement le bras de la jeune femme.

La jeune femme, avec ses dentelles frissonnantes, avec sa coiffure gigantesque, son éventail et ses parfums, était radieuse comme un astre. Rousseau venait d’être heurté par elle.

Le jeune homme, mince, délicat, charmant, froissant son cordon bleu sur son jabot d’Angleterre, poussait des éclats de rire d’une engageante franchise, et les coupait soudain par des réticences ou des chuchotements qui faisaient rire la dame à son tour, et les montrait ensemble de la meilleure intelligence du monde.

Rousseau reconnut madame la comtesse du Barry dans cette belle dame, dans cette séduisante créature ; et aussitôt qu’il